La petite histoire a parfois tout son intérêt, et cet épisode est peu connu. Au moment où débuta l'invasion des Prussiens, un pauvre hère vivant de la vente de peaux de lapins trouva l'occasion de gagner quelque argent. On nous le décrit comme ‘abruti par la boisson et la débauche’, ce qui rejoint en toute logique l’image qu’on se fait du mauvais dans les justes histoires. Il se fait que notre homme avait organisé côté français une bande d'espionnage dont il s’était nommé chef. Il la dirigea avec une exécrable habileté, négociant sans scrupule ses renseignements avec les 2 parties ennemies. Les Français le paient 4,50 francs par jour, tandis que les Prussiens allongent 25 francs pour la même prestation. Faisant le négoce de ses peaux, notre homme est libre de circuler dans les 2 camps, mais c'est à la Prusse qu'il est dévoué corps et âme. De Reims à Sedan, il renseigne les prussiens sur la marche des soldats français, ce qui permet à l'ennemi de les suivre à la trace. Mais à Sedan, la trahison est découverte et l'espion s'avoue coupable. Espérant que notre homme dénonce ses complices, les officiers français retardent son exécution, et on se borne à le lier pieds et mains à l'affût d'un canon. Le 1er septembre, les événements se précipitent. Les soldats qui gardent le traître arrivent à gagner la frontière belge en emportant l’espion ficelé sur une charrette. Il arrive à Carlsbourg dans un état pitoyable : tête et corps n'avaient cessé de rebondir à cause des pierres de la route. L’homme était horriblement meurtri, et son corps n'était plus qu'une plaie. A Carlsbourg, on le coucha sur la paille, et les médecins ne lui donnèrent plus que quelques heures à vivre. En fin de visite, un capitaine français s'adressant au général belge demanda : - Général, nous permettez-vous de faire exécuter notre prisonnier ? - Capitaine, répondit noblement Séraphin Thiébauld, en Belgique, la justice a seule le droit de faire justice ! Sauvé pour quelques heures, l’espion français fut conduit à Paliseul. Il y expira dans une grange le soir du 2 septembre. Le curé de Paliseul lui prodigua les derniers secours de la religion. Et l’on rapporte que les soldats que le traître avait vendus s'agenouillèrent autour de sa couche en lui pardonnant son infâme attitude… (récit libre depuis d’Arsac et témoignages d’époque ; illustration Le Dru, l’Espion, 1870)

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