Au lendemain des terribles combats des 22 et 23 août 1914, qui coûtèrent la vie à des milliers de soldats français et allemands lors de la Bataille des Frontières, plusieurs cimetières provisoires furent créés autour du village de Maissin. L’un de ces sites abritait un petit monument allemand, orné d’une croix de fer et portant l’inscription :
« Massengräber der Deutschen und französischen Kriegern, gefallen am 22–23 August 1914, bei Maissin »
(Fosses communes des soldats allemands et français tombés les 22–23 août 1914 près de Maissin).La carte ancienne que tu possèdes en est un témoignage rare. On y distingue un soldat allemand posant à côté du monument, sur fond de croix blanches alignées. Cette mise en scène correspond parfaitement à la pratique allemande du moment : photographier et diffuser des cartes postales des premiers cimetières de campagne pour en garder mémoire.
Selon le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge, trois grands cimetières furent aménagés à Maissin dès 1914 : le Terrassenfriedhof, le Langfriedhof et le Rundbau-Friedhof. On y regroupa rapidement les fosses communes et les sépultures dispersées des champs de bataille. Le monument de ta photo faisait donc partie de ces ensembles éphémères.Ces cimetières ne survécurent pas longtemps en l’état. Dans les années suivantes, les autorités allemandes puis belges décidèrent de centraliser les tombes, et les petits monuments furent démontés ou intégrés dans la nouvelle organisation. C’est la raison pour laquelle la croix de fer sur socle que l’on voit sur ton cliché a aujourd’hui disparu.
En 1917 déjà, l’occupant allemand avait regroupé les tombes dans un cimetière unique, situé rue Commandant Henri-Calvez, à l’entrée du village. Après la guerre, ce site fut reconnu comme nécropole franco-allemande. Aujourd’hui, il rassemble :
Ainsi, le petit monument photographié a cédé la place à un vaste ensemble commémoratif, entretenu jusqu’à aujourd’hui.
À l’intérieur de cette nécropole, d’autres monuments ont pris le relais du souvenir :
Ces monuments, toujours visibles, perpétuent la mémoire des milliers de jeunes hommes tombés en août 1914.
Si le monument de ta carte postale a disparu physiquement, il reste un précieux témoin des premières sépultures de fortune de Maissin. Il illustre la façon dont les soldats eux-mêmes tentaient de donner sens à la mort de masse, en érigeant des croix provisoires et en immortalisant ces lieux par la photographie.