Il existe dans nos bois et nos champs bien des anciennes bornes que seuls les plus attentifs remarquent. Elles sont des souvenirs vivants de notre patrimoine et de la formation de notre pays. Cependant, il en est d’autres que certains ne voient pas ou ne veulent pas voir. C’est ainsi qu’on les retrouve cassées par des opérations musclées de machines bien modernes. Plus grave encore, certaines sont volées, retirées ainsi d’un contexte qui était leur raison d’être.
Il en est une que peu de personnes connaissent, car elle est à l'écart des chemins. Cependant, elle est située à un endroit réellement important : un fossé délimitant les provinces y passe. Elle est placée près d’un énorme hêtre qui vient de perdre une grosse branche. À environ 100 mètres de là, se trouve une borne géodésique de l'IGM qui culmine à plus de 450 mètres. Cette borne est située dans le bois de Vivy, dans les Hez de Mouzaive, non loin du lieu-dit la Charbonnière. Elle possède 4 faces marquées, gravées des initiales des 4 villages qui y aboutissent :
O pour Oisy
B pour Baillamont
C pour Carlsbourg
V pour Vivy
De plus, on lit le chiffre 14 sous l'initiale O.
De quelle époque date-t-elle ? Il est peut-être évident de donner la date de 1914, comme l’indique le 14 gravé. Cependant, je ne pense pas qu’il s’agisse de 1814, car aucun bornage n’est signalé à cette époque et la pierre semble relativement récente et en bon état. Nos forestiers et autres experts devraient nous apporter une solution.
Voyons ce que ce point représente.
Je pense que c’est d’abord le hêtre qui a fait office de limite. Vu ses dimensions, il pourrait remonter à l’époque napoléonienne. C’était une habitude de l’époque de marquer les « frontières » par des arbres. La borne plantée à 1 mètre au nord ne serait venue que plus tard. Certaines bornes sont parfois encastrées dans le pied des arbres.
Elle délimite actuellement les entités de Bièvre, Paliseul et Bouillon. Avant 1977, elle séparait les quatre communes citées plus haut. Mais elle est également sur la limite des provinces de Namur et de Luxembourg. Elle délimite encore les cantons de Paliseul, Bouillon et Gedinne.
À l’époque hollandaise, le hêtre délimitait la province de Namur (ou Belgique) du Grand-Duché de Luxembourg. La séparation de la Province de Luxembourg et du Grand-Duché ne se fit qu’en 1839.
Si l’on remonte le temps, ce hêtre délimitait, à l’époque française, les départements des Forêts (Paliseul), des Ardennes (Bouillon) et de Sambre-et-Meuse (Gedinne). Sous l’ancien régime, il se serait trouvé sur la frontière du Duché de Bouillon et de la Prévôté d’Orchimont (Duché de Luxembourg).
J'ajouterai qu’un fossé sépare le Luxembourg des Namurois, et qu’une ligne d'énormes hêtres sépare par endroits le canton de Bouillon de celui de Paliseul (plantés lors de la création des départements).
C’est réellement un témoin qui doit être préservé et rester là où il est.