Situé au cœur du village de Carlsbourg, dans la commune de Paliseul, le château est un témoin privilégié de plus de deux siècles d’histoire locale, mêlant aristocratie, éducation religieuse et enracinement territorial.
Avant le XVIIIe siècle, le domaine s’appelait Saussure, toponyme tiré des "saussaies", zones humides bordées de saules. Le site abritait un manoir seigneurial qui appartenait successivement à différentes familles nobles, dont les Mérode, les Rougrave, les Lamock ou encore les d’Elbecq.En 1756, le domaine est acquis par Charles-Godefroy de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon. Dès l’année suivante, il donne au lieu son nom actuel, Carlsbourg, en hommage à lui-même ("Carl's burg" – le château de Charles). Il transforme le manoir en une résidence de style Louis XV, orné d’un grand escalier en chêne massif et décoré d’armoiries familiales dans ses salons et corridors.
La Révolution française bouleverse l’ordre établi. Le château est confisqué et passe entre plusieurs mains. Il revient notamment à un officier supérieur, le colonel Grandjean, héros des campagnes napoléoniennes, décoré à Austerlitz et Iéna. Il était aussi l’oncle du poète Paul Verlaine, qui évoquera plus tard le domaine dans ses lettres et récits familiaux.En 1844, la famille Latour d’Auvergne vend définitivement le château à l’évêché de Namur, qui souhaite y fonder une école catholique. L’évêque de l’époque, Mgr Dehesselle, y installe une communauté de Frères des Écoles Chrétiennes, venus éduquer les jeunes garçons de la région.
Dès son ouverture en octobre 1844, le Collège Saint-Joseph accueille 35 élèves, chiffre qui montera rapidement à plusieurs centaines. Les Frères assurent un enseignement rigoureux et structuré, accueillant aussi des élèves venus de toute la Wallonie, de l’étranger (Amérique latine, Asie) et parfois même de familles notables.L’établissement devient un pôle éducatif majeur pour toute la région de Paliseul et l’Ardenne. Le château est progressivement aménagé pour accueillir des dortoirs, des salles de classe, une chapelle et une bibliothèque.
Le bâtiment conserve plusieurs éléments d’origine :
Le château devient peu à peu un symbole d’identité locale. D’ailleurs, les armoiries des Latour d’Auvergne ont inspiré la création du blason communal de Paliseul.
Autour du château, la mémoire collective évoque aussi d’anciennes traditions locales, dont celle des “pierres des païens”, rochers moussus dans la forêt que les anciens reliaient à d’antiques cultes. En réalité, il s’agirait de restes de charbonnières, mais l’imaginaire populaire a longtemps lié ces lieux aux origines du château.Carlsbourg reste aujourd’hui marqué par sa double identité : celle d’un bourg d’origine noble et celle d’un centre scolaire vivant, perpétuant l’œuvre des Frères.
Devenu Institut Saint-Joseph, l’école poursuit sa mission avec plus de 400 élèves encadrés par une équipe mixte de laïcs et religieux. L’esprit des Frères y perdure, enrichi par la modernisation des méthodes pédagogiques.L’ensemble du domaine, bien conservé, reste visible depuis la place de l’Église et constitue une pièce maîtresse du patrimoine bâti de Paliseul. Il est régulièrement cité dans les circuits touristiques et les publications historiques régionales.